Le ronronnement des vaisseaux matinaux devant sa fenêtre, le claquement des portes de son lotissement, les premiers bruits de pas désordonnés. La silhouette, allongée dans une pile de draps encore soigneusement bordés écoute les yeux fermés. Tant qu’il ne les ouvre pas, il pourrait y être. Tant qu’il oublie la légère respiration étrangère à ses côtés, il pourrait s’y croire, dans le petit lit de son ancien dortoir.  


Il fait encore nuit, pourtant il fait déjà jour. Car sur cette planète, comme celle sur laquelle il est né, ne dort jamais. Contrairement aux autres enfants de l’orphelinat qui ne juraient que par l’obscurité dans laquelle ils pouvaient aisément se réfugier, lui avait toujours trouvé cette luminosité permanente rassurante. Pas une minute, pas une seconde sans qu’un cœur ne batte, qu’une oreille ne se tende, qu’un œil ne scrute. Comme une ville entière peuplée d’anges gardiens. Parce que les siens ont donné leur vie pour la République, la République a pris leur place. Elevé et choyé dans son sein,  il en développa une indéfectible loyauté qui ne l’avait jamais plus quitté.  



Un mouvement à sa gauche, et il entrouvre les yeux. Une courbe davantage féminine que masculine cette fois, sur laquelle il pose brièvement sa main pour la redessiner avec douceur alors que son regard se pose sur la pièce. Une chambre dénudée, à l’instar des deux corps vaguement enlacés. Sur les murs et les rares meubles, pas un biblelot superflu, pas un objet déplacé, pas un cadre d’accroché, témoignage implicite de sa volonté de s’échapper. De s’en aller de cette planète où il n’a pas sa place outre les 4 murs de la chambre sénatoriale. Rien….Ou peut être pas tout à fait. Là, sur le coin d’un meuble, une petite pochette de cuir à l’aspect banal, renfermant son accréditation en tant que sénateur de la planète Corellia. Dépassant légèrement sur le côté, les coins écornés d’une vieille photo que de petits doigts avaient visiblement largement abimée en passant et repassant sur le visage d’êtres aimés. Son père et sa mère, au visage aussi flou que dans ses souvenirs, se tenaient droit et fiers.  Et fiers, ils avaient de quoi l’être, s’étant tout deux particulièrement distingués au décours de nombreuses missions pour repousser les forces de l’Empire au point d’en acquérir une certaine notoriété auprès de gens haut placés.

Mais les cimetières sont remplis de héros. Et ceux ci ne firent pas exception. Par faveur, ces mêmes hommes et femmes qui avaient porté aux nues ses parents avaient usé de leur influence pour l’envoyer sur Coruscant afin d’y recevoir ce qu’ils considéraient être comme la meilleure éducation possible.




Sans un bruit, la silhouette se détache de l’endormie et se glisse dans la salle de bain, ne prêtant que peu d’attention à son reflet, à ces marques sur son dos sur lesquelles roulaient des sillons d’eau. Des marques tellement anciennes qu’elles semblent tout droit sorties d’une autre vie, vestiges de sa jeunesse où il portait les armes au nom de la République avec une inefficacité notoire, pour sa plus grande honte. Un manque d’efficience tel, malgré toute sa bonne volonté à vouloir marcher dans les traces de ses parents, qu’il en quitta rapidement les rangs. Non pas par peur ou par lâcheté, certainement pas. Mais tout simplement pour le bien de celle-ci qui ne tarderait pas à suspecter en lui des lueurs de traitrise en le voyant échouer chacune de ses missions avec tant de dextérité. Peu agile de ses mains, l’un de ses supérieurs remarqua cependant qu’il en allait tout autrement de son esprit. A défaut de briller par son effectivité au combat, sa capacité de rassemblement au sein des troupes, à les fédérer aussi bien que son habileté tactique poussèrent cette figure indéniablement paternelle à encourager le jeune homme sur la voie bien plus prestigieuse de la politique. De retour sur sa terre natale, le fils prodigue marcha dans les traces de ses parents. Les mêmes visages qui l’avaient vu enfant le regardaient maintenant avec tout autant de bienveillance qu’auparavant et, ayant sû faire ses preuves en défendant ardemment la cause de ses compatriotes, il gagna petit à petit le respect de ceux qui jadis avaient connu ses parents. Armé de ces solides soutiens, il gravit peu à peu les marches glissantes du pouvoir.



Brièvement, il aperçoit son profil, dévoré par une éternelle barbe de trois jours, son regard naturellement ampli de douceur et le coin de ses lèvres si promptes à s’ourler d’un sourire indulgent. Un visage en apparence encore juvénile malgré le poids des années où s’étalent généreusement les traces d’une exaltation toute enfantine. Car bien loin des politiciens cyniques avides de pouvoir, la plus grande des faiblesses du jeune sénateur est sans doute son idéalisme, que d’autres appelleraient naïveté ou folie. Un sourire de joconde qui cache une part beaucoup plus sombre aux yeux de tous, y compris les siens. Tel l’enfant détruisant des châteaux de sable, il écrase ce qui se dresse sur son chemin sans complexe ni remords, remodèle le monde à son image et à sa volonté. Tel l’enfant dévoué qui arrache les fleurs du voisin pour les offrir à sa mère, l’enfant de la république semble dénué de tout sens moral lorsqu’il s’agit de ce qu’il considère relever de l’intérêt commun. En témoignait les courbes rebondies de cette sénatrice alanguie sur son lit qui lui apporterait sans nulle doute son soutien à l’avenir. Et si cela ne suffisait pas, elle n’était de toute manière qu’une marche pour atteindre la prochaine.

Un dernier regard pour elle dans le reflet, mais surtout un dernier regard pour lui. Tiré à quatre épingles, dossiers en main, la poignée roula silencieusement entre ses doigts alors qu’il adressait un bref salut à sa garde, laquelle était bien trop habituée à ce genre de scène pour encore s’embarrasser de réflexions.