-19 Hosnian Prime
Le grand vaisseau grinçait comme une longue complainte qu’un Aiwha pourrait lancer après une dure journée de vol. Le modèle de paroi était classique et un peu rustre. Les modifications et améliorations avaient été directement apportées sans que le mécanicien ne fasse l’effort de cacher ou camoufler les fils et les panneaux de contrôles. Des étincelles surgissaient quelques fois dans des coins non recouverts de plaques en métal. Icarus avait l’impression de voir la chair et les os d’un immense mammifère qui l’aurait englouti. Les oscillations du vaisseau lui donnaient l’impression de voir les inspirations et expirations de la bête. La salle de contrôle qui affichait un immense parebrise donnait sur le couloir et l’entrée du Star Nostra. Vers le fond de l’appareil, une cuisine basique ainsi qu’une table était plus souvent pleine de bouteilles d’alcool que de nourriture. Côté bâbord, des salles de stockages et les dortoirs de l’équipage ainsi qu’une infirmerie. De l’autre côté, les quartiers du capitaine, Elkor Katherion et une chambre d’invité souvent occupée par son ainé, Icarus. Il avait douze ans et le père de la dynastie contrebandière avait décidé de lui enseigner les voies du contrebandier le plus tôt possible. Elkor n’allait pas bien. Une maladie sombre commençait déjà à s’installer dans le corps du vieux contrebandier. Il avait réussi à survivre à la Guerre des Clônes, il avait approvisionné les deux camps et s’était enrichi sur le dos de personnes désespérées et à présent, il semblait le payer.
Entrain d’atteindre Hosnian Prime pour quelques achats, le père de famille en profitait pour enseigner les bases du métier de contrebandier à son fils. Ce voyage n’avait rien de bien particulier. Tout ce que les contrebandiers achetaient et prenaient n’étaient pas toujours illégaux. Et à moins d’avoir une preuve claire et incontestable que leur cargo était volé, les officiels ne pouvaient pas grand-chose.
Une fois le pied posé dans un astroport d’un quartier reculé, quelques employés enregistrèrent l’arrivée du vaisseau avant de lancer un regard méfiant au capitaine, et de retourner à leurs papier.
« Tu vois Icarus, ils font leur boulot, je fais le mien. Est-ce que je leur en voudrais s’ils se mettaient à vouloir fouiller la Star Nostra ? Non, c’est leur boulot. Si j’allais en taule, je serais pas jouasse, qu’on soit d’accord… Mais tu sais, on est tous des pions, on fait ce pourquoi on est destiné alors n’en veut pas trop aux autres quand ils écoutent juste les ordres. Mais ça veut pas dire que tu dois te laisser dépouillé ou insulté. Là, tu as ma bénédiction pour bousiller quelques couilles au passage » Il fit un clin d’oeil au garçon discipliné qui faisait beaucoup d’efforts pour tout retenir même si ces paroles n’avaient pas beaucoup de sens pour lui à ce moment précis. Le père Elkor était juste, sympathique, toujours en train de chantonner quelque chose ou de manger. Malgré sa maladie qui grignotait toujours des morceaux de sa mobilité et de sa mémoire, il restait positif… Et il le resterait jusqu’au bout.
-10 Coruscant, Station Watchtower
« Mais je la connais pas ! » le ton montait dans la salle principale du palace des Katherion. Enfin… Palace était un mot utilisé de manière assez libre. Leur habitation était grande mais ressemblait à une vieille cantina. Dans la pièce, seuls Icarus et Erianha étaient présents. Mais on pouvait entendre les haussements de voix depuis les couloirs. La matriarche, au départ simplement comptable, avait pris de plus en plus de responsabilité au fur et à mesure que son mari perdait la raison et la santé. Elle observait son fils d’un œil particulier, l’œil de celui qui sait ce qui va se passer et arrive déjà à lire les évènements à venir.
« Elle peut nous servir. Tu n’es pas obligé de l’aimer. Fais lui un ou deux enfants et ensuite tu fais ce que tu veux. » Icarus était debout, au milieu de la pièce, il marchait à droite et à gauche, comme si aligner les pas allait le faire réfléchir plus vite à une rhétorique pour empêcher sa mère de faire une chose pareil.
« Mais… Elle n’est pas contrebandière ! » Erianha dit, calmement
« Elle n’a pas besoin de l’être. Elle a besoin de prestige, de protection… Nous avons besoin d’étendre notre rayon d’influence. C’est un bon deal pour tout le monde. » Icarus s’arrêta et regarda sa mère, désemparé
« Et pour moi ? Est-ce que c’est un bon deal ? » Il allait rajouter quelque chose mais Erianha utilisa sa grosse voix pour le couper.
« On parle, Icarus. On parle de plus en plus. » Il fronça les sourcils. Sa mère le manipulait et faisait aller cette conversation exactement là où elle voulait qu’elle aille. Icarus n’aimait pas ça.
« On parle de quoi ? » « De toi. » laissa-t-elle tomber. Soudain, l’énervement se transforma en inquiétude… Icarus refusait de penser que sa mère connaissait son secret. Ils se toisèrent pendant plusieurs minutes. Icarus, perdant de plus en plus de contenance, et Erianha se gorgeant de détermination à chaque seconde. Plus les minutes passaient et plus la signification de ces paroles était claire. Bientôt, le jeune homme ne put se résoudre qu’à s’asseoir sur un des canapés. Les yeux rivés au sol.
« Tu sais ? » osa-t-il finalement demander, utilisant les dernières forces mentales qu’il avait.
« Oui je sais Icarus. Je sais tout. Tu es mon fils, je te connais mieux que toi-même. » Elle laisa cette information flotter quelques instants avant de reprendre.
« Je le sais peut être depuis plus longtemps que toi-même… » Esquissa-t-elle avec un sourire attendri.
« Mais là n’est pas la question. On ne se mari pas par amour, pas ici, pas chez nous… Et surtout pas dans ton cas. » Icarus se risqua à relever la tête.
« Tes frères et ta sœur, peut être bien… Mais toi, l’ainé tu ne peux pas. Je dis pas que tu peux pas coucher avec tous les hommes que tu veux. Je m’en fou de ça. Mais mari-toi, fais des enfants, prend sur toi. On a pas le luxe de choisir. Chez les gros bourges, en bas, sur la planète, ils peuvent. Mais, mauvaise nouvelle, tu as pas gagné au change, petit. » Elle prit dans ses mains une coupe d’un alcool vert et en but une gorgée.
« Je conclue le contrat demain et on verra pour te faire une jolie cérémonie. Elle a l’air bien cette fille, je t’assure. Et elle est pas trop mal, ce sera peut être plus facile pour.. » « Ca va ça va, j’ai compris. » Icarus se redressa et rassembla les dernières poussières de sa fierté pour aller s’enfermer dans sa chambre.
-8 Coruscant, Station Watchtower
Lorgio, un Mon Calamari travaillant dans l’entourage de la matriarche Erianha Katherion, se triturait les mains tout en parlant d’une manière précautionneuse.
« On dit que des Hutts lorgnent sur la Watchtower et seraient prêt à la reprendre… » Erianha écoutait à peine, tenant dans ses mains une tablette, lisant les chiffres qui s’y trouvaient. Elle soupira et se passa une main sur le visage. Dans le grand salon des Katherion se trouvait la mère de famille, l’ainé, Icarus, la seconde, Adali, des gardes et quelques conseillers.
« Les gens s’inquiètent de ne plus voir capitaine Elkor dans les environs. » La femme de bientôt 50ans soupira bruyamment comme si tout ceci l’agaçait profondément. Icarus, appuyé contre un des murs se redressa.
« Les hutts dont tu parles, ils ont quoi comme armes ? Tu sais ? » Adali, avec sa verve et son cynisme légendaire répliqua
« Bien sûr il a l’inventaire entier de ce qu’ils vont nous mettre sur la gueule ! » Le grand-frère grogna avant de lever un doigt accusateur
« Ta gueule toi, tu aides pas ! » La grosse voix caverneuse de la mère s’éleva comme un tremblement de terre dans la salle
« La ferme, tous les deux. Putain mais qu’est-ce que j’ai fait pour avoir des morveux pareils ?! Te marier ne t’auras pas calmé hein ! » dit-elle en jetant un regard à son ainé qui détourna les yeux. Elle tendit la tablette à un de ses gardes sans même regarder alors que celui-ci emmenait l’objet dans l’arrière salle.
« Bon. On parle de combien de Hutts ? Y a possibilité d’envoyer des cadeaux à des cousins rivaux pour les tenir occupés pendant qu’on rassemble plus d’hommes ? » Le Mon Calamari sembla réfléchir un instant avant de jeter un coup d’œil à son partenaire, un Rodien.
« Oui je pense que cela peut être possible. Mais le principal souci est que la… Maladie de votre mari donne une image… Hum… » « Faible ? C’est le mot que tu cherches hein ? On va régler ça tout de suite. Envoyez un groupe de gardes au marché collecter la taxe en avance. Dites-leur que si ils sont pas contents, ils ont qu’à aller crever dans les ruines des planètes alentours ou alors aller mendier chez les grosses larves. Ensuite, on envoi la moitié des vaisseaux partout où on peut trouver des clients. Toi » Dit-elle en désignant le Rodien
« Tu cherches les branches de la résistance, ils cherchent toujours des explosifs ou des blasters ceux-là. Tu lances une offre compétitive. Ils viennent ici, chez personne d’autre. Et toi. » dit-elle en observant longuement le Mon Calamari
« Tu dis à tous ceux qui doutent de la force des Katherion, que si on entend encore une fois leurs salades, on leur fait bouffer leurs langues par leur trou de balle. Dégage. » Les deux conseillers s’éclipsèrent aussi vite qu’ils le purent et le reste de l’entourage s’éclipsa également, laissant la famille Katherion en petit comité.
« On reprend le commerce alors ? » s’aventura Adali en triturant son blaster. La mère lui lança un air indigné avant de baisser la tête.
« … Votre père va mourir. Il y en a qui attendent que ça pour tout nous prendre. Il va falloir être plus intransigeant que d’habitude. » Icarus s’approcha et s’assit à côté de sa mère en lui posant une main réconfortante sur le bras.
« Je pars demain avec mon équipage. On va aller dans la bordure extérieure. Certaines planètes ont été gravement coupées du reste, il doit y avoir des acheteurs ou des emprunteurs. Davessi nous obtiendra n’importe quelle information utile si quelque chose se passe dans sa cantina. » Erianha posa sa main sur celle de son fils et la serra avant de lui dire, doucement, presque dans un souffle
« Le sacrifice en vaut la peine… » Icarus ne savait pas vraiment de quoi sa mère parlait... De ses sacrifices personnels, ou bien du sacrifice de la famille ? Dans tous les cas, il hocha la tête se leva. Il allait devoir se préparer à un long voyage.
3 Tatooine, Cantina
Il avait des yeux d’un bleu éclatant. Il parlait avec un Sullustain qui gesticulait beaucoup. Il ne semblait pas intéressé. Il avait de longs cheveux blonds lui tombant sur les épaules, et des tresses éparses, pleines de sable. Il tournait son verre sur la table et regardait dedans. Des fois il relevait les yeux vers son interlocuteur en hochant la tête. A un moment, il balaya la salle du regard et croisa le regard d’Icarus qui détourna le regard.
« Capitaine, c’est confirmé, ça barde sérieux sur Hoth. » le contrebandier hocha la tête. Un de ses pilotes, quelques coups dans le nez, s’enthousiasma.
« Ça doit être le bordel, on peut se faire de l’argent facile là-bas… Y a quoi sur Hoth ? » Icarus se risqua à jeter un coup d’œil au jeune homme de tout à l’heure tout en commentant
« Y a rien… Et on peut pas se retrouver dans les lignes de tir. L’Empire comme les Rebelles s’en foutent de nous. » Il but une gorgée de sa boisson alcoolisée avant de détourner les yeux encore une fois, de peur de se faire repérer.
« Par contre, on sait que le gros de l’Empire est là-bas, du coup, on peut se balader autour de l’espace Hutt, près de Kessel et essayer de rafler un maximum. » avec l’instabilité politique grandissante, il était important de constamment bouger et de profiter des batailles en cours pour aller là où personne n’allait ou dans les lieux désertés. De toute manière, si ce n’était pas eux qui venaient pour vendre des armes et acheter des morceaux de vaisseaux détruits, ce serait quelqu’un d’autre, alors il valait mieux qu’ils en profitent… Il termina son verre et se leva, prêt à partir. Du coin de l’œil, il vit le jeune homme de tout à l’heure, l’observer aussi. Ils échangèrent un regard et son cœur se mit soudainement à battre…
Pas le temps… Une autre fois… Et il sortit de la cantina suivit de ses hommes.
6 Coruscant, Watchtower
« Tu montes le blaster. Quand tu presses la détente, fais attention à ne pas fermer l’œil. Tu dois voir où part le coup. » Ses mains dirigeaient les bras fins de Yara. La mine concentrée de la gamine reflétait les traits de sa mère.
« Si tu as le temps de viser, va pour la tête, sinon, vise le torse, tu seras sure de toucher à tous les coups. » Il ajusta la position de sa fille et, Icarus se recula de quelques pas.
« Quand tu es prête, vas-y. » La jeune fille de quinze ans attendit quelques secondes avant de tirer sur une pile de caisses vides empilées au fond d’un hangar.
Du bois vola dans tous les sens avant que la fumée ne se dissipe et laisse voir les marques laissées par le tir. Yara se tourna vers son père, un grand sourire sur le visage. Applaudissant, Icarus s’approcha alors que quelques mécaniciens encourageaient aussi la jeune héritière des Katherion.
« C’était bien alors ? Comme ça ? » Le contrebandier récupéra le blaster et tapota l’épaule de Yara.
« C’était parfait. Dans pas longtemps on va finir par t’employer pour faire la sécurité sur le marché… » La gamine s’approcha de l’impact noir encore fumant dont elle était responsable et l’observa de plus prêt.
« Je peux tuer quelqu’un avec ça ? » Soupirant, le père s’installa sur une grosse caisse d’armes et hocha la tête.
« Oui, si tu vises bien, tu peux tuer sur le coup… » Elle se redressa et observa Icarus avec des yeux sérieux et glaçants, ceux de sa mère
« Tu as déjà tué ? »La porte était bloquée. Le mécanisme avait sauté avec les murs lorsque les mercenaires du Hutt avaient envoyé des grenades… Il était à présent contre un mur, en couverture, mais relativement sur que ses adversaires seraient bientôt là. Il devait se replier. Aucun signe du reste de son équipage. Ils avaient été dispersés un peu plus tôt dans le hangar de la colonie de Dantooine. En visite pour sceller un marché de commerce, ils s’étaient fait bêtement embusqués par un Hutt qui avait lui aussi voulu sa part du gâteau sur un nouveau territoire. Bien que l’Orono Bastra avait des armes et un équipage entrainé, ils emblait que la grosse larve savait quand et où le deal devait se passer… Ils avaient ainsi eu l’avantage de la surprise. Après l’attaque du hangar, ils s’étaient dispersés dans tous les sens et Icarus s’était retrouvé seul, talonné par la plus part des mercenaires…
« Oh tué, je crois bien oui… » Les yeux de la jeune fille s’illuminèrent
« Ha oui ? Qui ? Quand ? » Elle s’approcha rapidement de son père et s’installa sur la caisse à côté d’Icarus.
« Houla… Je dirais… Peut-être une dizaine, je ne me souviens pas bien tu sais… »N’ayant été que deux fois dans cette colonie, il n’en connaissait pas les moindres recoins, alors quand il entra dans une des réserves, il se retrouva dans une position délicate en découvrant qu’il n’y avait aucune autre issue… Déjà les pas précipités des mercenaires se faisaient entendre. Icarus n’était pas un soldat. Il commerçait, il vendait, il menaçait. La seule présence de ses portes-flingues suffisaient la plus part du temps à dissuader qui que ce soit. Ca ou la présence de son nom. Mais il y en avait bien une paire qui s’en foutait pas mal de qui se trouvait sur leurs chemins, c’était les Hutts, et l’héritier de la famille de contrebandiers allait peut être payer cher son manque d’attention.
Un homme aux yeux bridés arriva dans l’encadrement de la porte, un blaster à la main, déjà entrain de viser l’homme originaire de Coruscant. Sans réfléchir, Icarus tira et alla se réfugier derrière une étagère, mais déjà il sentait une brulure violente sur son épaule… Il lâcha son arme et finit sa course dans un coin de la pièce, à la merci de son adversaire. Il leva son blaster alors qu’Icarus cherchait quelque chose, n’importe quoi pour se défendre. Lorsque le coup parti, il hurla.
« Tu crois que je vais tuer beaucoup de personnes comme toi ? » Icarus fut surpris de la question et finalement, relativisa. Pour le moment, la mort et le concept de tuer était quelque chose d’assez flou pour elle… Malgré son métier et le métier de sa mère, elle avait été épargnée, protégée et chouchoutée. L’aventure, les batailles et les morts étaient des visions exotiques et excitantes. Finalement, Icarus n’avait pas le droit d’être offusqué. Quand on menaçait sa vie ou ses affaires, il n’hésitait pas souvent à presser la gâchette. Il enroula son bras autour des épaules de sa fille et l’attira contre lui. Il lui embrassa le front et la blotti contre son torse.
« Tant que ce n’est pas toi qui te fait tuer, tu peux en tuer autant qu’il le faudra. »Son officier exécutif arriva pour donner un coup de pied dans le cadavre pulvérisé du mercenaire. Il l’enjamba et aida son capitaine blessé à se relever…