L'impériale marqua un silence, un instant, le sourcil haussé, à se demander ce qu'il lui voulait avec son sachet de riz. Puis elle comprit et toisa le résistant, partagée entre consternation et amusement… Ces humains et leurs interprétations… Mais la différence de Tuiren avec les autres, c'est que lui n'était pas volontairement insultant, ce qui poussait la chiss, pour une fois, à une certaine indulgence. Tout de même… Sachet de riz… Elle secoua la tête en le regardant filer à son vaisseau d'un pas de course à l'image de l'énervement qu'elle avait senti dans sa voix : l'état de son vaisseau le contrariait et elle ne pouvait lui donner tort.

Elle flatta l'encolure du rancor qui s'agitait, c'était certes très amusant, mais elle se posait sérieusement la question de ce qui avait poussé cette bête à les aider. Il était par définition sauvage, bien que les êtres non pensants restaient dotés s'une certaine sensibilité, la sympathie et l'affection n'étaient pas des termes que l'on employait en général pour parler de rancors. En voyant sa maîtresse se faire assommer, il aurait dû vraisemblablement les croquer sans autre forme de procès. Pourtant il leur avait offert une monture et semblait se satisfaire de conserver la chiss sur le dos. Lui avaient-ils rendu services en le libérant de la guerrière ? C'était une possibilité. C'est ça mon gros ? Tu n'étais pas bien avec elle ? Nulle réponse, naturellement, mais Triss y réfléchissait, considérant les chaines de la bête, elle chercha des traces de brutalisation qu'elle ne tarda pas à trouver. Les rancor n'étaient pas faits pour être domestiqués, seul la crainte les faisaient accepter de servir de monture, en le libérant du joug de sa possible tourmentrice, ils avaient fait naitre, peut-être, une sorte de sentiment de reconnaissance chez la bête.

C'est qu'elle allait finir par s'y attacher, à cette grande bête. Celle-là et l'autre aussi d'ailleurs. Le rancor émit un grondement et Triss tendit l'oreille tout en guettant les arbres. Les mouvements des cimes en attestaient : la cavalerie arrivait. De même, le bruit des moteurs du X-Wing se fit entendre et la chiss se fit la réflexion qu'elle n'avait jamais été si heureuse d'entendre ce son. Cela voulait dire qu'ils avaient la puissance de rayons laser utilisés en bataille spatiale avec eux, contre des guerrières primitives chevauchant des bêtes traumatisées. C'était plutôt une bonne nouvelle. Elle répondit au signe de Tuiren et se plaça à bonne distance, surplombant l'endroit où déboucherait l'offensive. Le tout était de paraitre impressionnant, quand les premières guerrières firent leur apparition, elles furent accueillie par un flot de laser, accompagné du plus beau rugissement de Ch'acevi qui se noyait dans le vacarme des moteurs et des tirs, une vison infernale, il fallait bien l'admettre.

L'hésitation fut palpable mais la vague suivante arrivait, dans des cris guerriers qui semblèrent redonner courage aux autres. Un courage un peu stupide qu'un tir de semonce de la part du X-Wing eut le mérite de calmer, tout au moins de faire peur aux montures. Triss par contre se montrait beaucoup moins défensive et n'hésita pas à ouvrir le feu sur les guerrières à coup de blaster, peu précis à cette distance. Néanmoins, alors que les ennemies se perdaient dans un certain chaos de rancor enragés et paniqués, la chiss parvint à en toucher certaines, assez pour infliger quelques brûlures bien senties et démontrer qu'elle ne plaisantait pas. Elle n'hésiterait pas à tuer s'il ne fallait que ça pour protéger leur fuite. Ce ne fut pas nécessaire, quelques minutes après l'engagement des hostilités et les premières blessures sans avoir pu avancer de plus de quelques mètres, les autochtones se replièrent vers les arbres. Une volée de volatiles s'éleva quelques instants plus tard, au loin, semblant indiquer qu'elles repartaient vers le village. Triss resta sur le qui-vive, ils n'étaient pas à l'abri d'un leurre.

Quelques minutes coulèrent ainsi, à scruter les arbres, avant qu'elle ne descende du rancor et se dirige vers le X-Wing, Ch'acevi sur ses talons.

- Jolis tirs. Et tu n'es que pilote de seconde zone ? Le taquina-t-elle. Quelle est l'étendue des dégâts ? Hum… Salut, Rick, je présume ? Elle salua l'astrodroïde qui sifflotait, elle n'en doutait pas, des paroles peu élogieuses. Elle se hissa néanmoins à hauteur du cockpit pour jeter un coup d'œil, aussi bien pratique que curieux. C'est réparable ? C'était bien la première fois qu'elle approchait d'aussi près un de ces appareils. Elle s'assit sur l'aile, examinant l'un des moteurs qu'elle avait touché, presque une journée auparavant. Il fallait admettre qu'elle avait bien visé, elle aussi : les réparations ne seraient pas faciles dans ces circonstances. Les communications fonctionnent ? Demanda-t-elle, mais elle en doutait, sans quoi le droïde aurait probablement pris les devants en lançant un signal de détresse. Non ! Ch'acevi, ne mord pas ce… Mais va chasser plus loin si tu as faim gros lézard !... Bien, résumons : les copines pourraient revenir en force, le taxi est en panne et on a un rancor sur les bras. Je ne sais pas pour toi, mais je commence à avoir soif… Tu as du matériel de survie, de quoi purifier l'eau par exemple ? Elle regardait vers les arbres, pensives, puis observa de nouveau les commandes du chasseur. Les scans fonctionnent ? Tu penses possible de repérer une ville ?

Le vent tournait enfin en leur faveur : les radars fonctionnaient, ils trouveraient ainsi une ville et, de plus, ils bénéficiaient à présent du matériel de survie du X-Wing.  Triss accueillit ces nouvelles avec un vif sourire et  suivit volontiers le résistant vers la soute. Qu'on ne s'y méprenne pas, elle restait méfiante, elle gardait en tête le risque qu'il se rappelle soudain leurs camps respectifs et n'en revienne à ses premières suggestions de reddition, Triss n'était pas femme à croire en la bonté aveugle. Mais tout ce qu'ils avaient accompli jusque-là semblaient indiquer qu'elle pouvait lui accorder une certaine confiance de rigueur, jusqu'à ce qu'ils quittent cette planète. Dire que le statut quo était sa toute première suggestion, qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire pour obtenir une trêve avec ces têtes dures de la résistance ! Elle fit la grimace en voyant la combinaison. Magnifique… Fort heureusement, il n'avait pas l'intention de la porter dans l'immédiat, ce qui les aurait rendu particulièrement repérable. Du moins, un peu plus qu'avec un chasseur rebelle et un rancor.
- Sachet de riz… Elle secoua la tête. Ça se prononce chaa-cé-vi, ça veut simplement dire "l'ami", mais ne t'en fais pas, je n'ai encore jamais rencontré d'humain prononçant convenablement le cheunh. Et je ne te parle même pas de mon nom.

La nourriture fut particulièrement bienvenue, cela faisait plus d'une journée standard qu'elle n'avait rien mangé, quand ils avaient été surpris par l'escadron résistant, ils finissaient leur tour de surveillance et étaient en vol depuis déjà de longues heures. Elle apprécia à sa juste valeur le repas, bien qu'insipide et utilitaire avant tout.
- Eh bien. Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais persuadée que vous étiez mieux lotis que nous niveau alimentaire. Plaisanta-t-elle.
Un peu de thé, une bonne sieste à l'ombre et son bonheur aurait été parfait, maintenant qu'elle avait mangé et que les souffrances de ses blessures étaient négligeables. Seule la fatigue la tenaillait encore, mais elle avait déjà vécu pire comme situations éprouvantes. Le repos n'était pas encore à l'ordre du jour : les scans avaient trouvés quelque chose et ils ne pouvaient pas s'attarder là. Elle laissa le résistant à son chasseur et revint auprès de la patte massive de la grosse bête. Il la toisa un instant avant de la laisser grimper, puis ils se mirent en route, le rancor et elle cavalant au sol, le X-Wing flottant paresseusement au-dessus, si lent comparé aux capacités de vol de ces appareils.

Le trajet n'était pas spécialement confortable, Triss s'agrippait aux bords de la selle, en partie étendue pour reposer ses membres éprouvés, tout en luttant contre le sommeil, l'esprit fort heureusement en activité suffisante pour la tenir en alerte. Ils allaient vers une ville, de là, Tuiren trouverait sans doute de quoi réparer son vaisseau, ou au moins de quoi appeler du secours. Et elle ? Ils n'étaient pas dans l'espace impérial, sa meilleure chance était de contacter la base de Shaum Hii, ce n'était pas la porte à côté et avec un système de communication civil, il faudrait plusieurs heures pour que son appel arrive, mais c'était la planète impériale la plus proche de Dathomir. Peut-être qu'en passant un signal crypté par le relais de Vinsoth… Les chevins étaient un peuple indépendant qui gardaient une certaine neutralité entre l'Empire et la République, elle pourrait y faire passer une communication sans faire trop de vagues. Avec un peu de chance, le contact serait établit et en quelques heures elle pourrait recevoir de l'aide. Peut-être même que le Vigilant n'était pas trop loin. Oui, elle passerait par Vinsoth, c'était le mieux à faire.  

Triss se sentit glisser de la selle alors que ses yeux se fermaient, bercée par le rythme de course du rancor, elle s'y était habituée, finalement. Elle sursauta, se redressant, un instant perdue en découvrant un paysage légèrement différent de celui qu'elle observait une fraction de seconde auparavant. Une courte absence mais une absence tout de même, elle fit signe à Tuiren qu'elle avait besoin d'une pause. Ils s'arrêtèrent sur le bord d'une rivière et elle retrouva le sol avec un certain soulagement, quand à Tuiren, il fit très vite part de son projet d'aller se rafraichir dans la rivière. A moitié étendue sur le rebord, Triss acquiesça.

- Si tu veux mon avis, ce n'est pas qu'une impression. Ceci dit…

Le résistant était entré dans l'eau après s'être débarrassé du plus gros de ses vêtements. Après une brève hésitation et considérant les risques, Triss se leva et fit de même. Elle accueillit le contact froid de l'eau avec un intense soulagement : elle avait toujours apprécié le frais mais rarement elle l'avait tant savouré qu'aujourd'hui. Elle se glissa dans l'eau avec une certaine prudence, malgré tout, surtout quand elle immergea ses blessures et que l'eau prit une teinte rougeoyante mêlée à la boue et la saleté qui la couvrait. Le froid acheva de calmer les élancements et elle prit une inspiration avant de se laisser submergée par la rivière. Sous l'eau, elle passa énergiquement ses mains dans ses cheveux collés par la boue et le sang, restant ensuite immobile quelques secondes en apnée, appréciant la sérénité de la vie subaquatique, le silence, cette sensation si particulière qu'offrait l'eau en donnant un sentiment de connexion, de pouvoir ressentir les choses au travers des ondes qui s'y diffusaient. Elle avait toujours adoré les rivières.
Elle remonta à la surface, reprenant son souffle et, ne montrant rien de sa joie, entreprit de frotter délicatement ses blessures pour les nettoyer.

- Je n'ai pas vu de cascade ici. Remarqua-t-elle avant de se frotter le visage. Ça manque, je trouve. Avec prudence, compte tenu de son état d'épuisement, elle fit quelques brasses en s'éloignant du bord, analysant la force du courant avant de se maintenir entre deux eaux, savourant le vent sur son visage humide. Je n'ai jamais vu de forêt sur Coruscant. Il y en a ? Ou des coins un peu moins, comment dire, artificiels ? Elle revint vers le bord, là où ses pieds touchaient le sol. J'aimais beaucoup la forêt quand j'étais enfant, je me suis toujours dit que c'était un peu triste, de passer toute sa vie dans des blocs de duracier. Elle posa son regard dans la direction de Tuiren, les yeux luisant d'une curiosité certaines. Dis-moi. Ce n'est probablement pas le moment, mais je n'arrive pas à comprendre. Pourquoi m'avoir aidée. Tu aurais pu me tuer, tu ne l'as pas fait. Surtout sans savoir quoi faire de ma capture, n'importe quel résistant à ta place aurait sauté sur l'occasion d'avoir un impérial de moins dans la galaxie, c'est comme ça, c'est la guerre. Mais tu ne l'as pas fait. Pourquoi ?

Avec application, elle passa ses doigts dans ses cheveux, il était rare de les voir détachés mais les circonstances étaient exceptionnelles. Par ailleurs, soigner son apparence était le cadet de ses soucis, elle se battait contre ses mèches humides pour les débarrasser de ce qui les collaient et gardaient emmêlées. Tuiren lui arracha malgré tout un sourire, un autre, en disant combien sa vie était malheureuse sur Coruscant. Comme si c'était ce qu'elle avait voulu dire. D'ailleurs il redevint plus sérieux, se lançant dans un plaidoyer sur les bons côtés de Coruscant. Elle retint un rire quand il acheva sa tirade sur Dathomir.

- C'est vrai, c'est lassant ! Puis nous ne sommes pas très bons voisins non plus, on leur a emprunté leur véhicule et je doute qu'on le leur rendra, ce n'est pas bon pour les relations. Puis redevint sérieuse à son tour, s'il avait cru qu'elle reprochait à Coruscant d'être ce qu'elle était, il avait mal compris son intention.
- Oh je sais que c'est un endroit agréable à vivre. Quand j'y suis arrivée pour la première fois, ça ne ressemblait à rien de ce que je connaissais. Mais dans le bon sens, ça m'a captivée. Assura-t-elle, sentant dans la voix du résistant comme un désir de protéger sa planète. Les différences culturelles sont énormes. Coruscant est tellement cosmopolite, j'essaye d'imaginer à quoi ressemble la vie de tous les jours là-bas. Je n'ai jamais connu quelque chose de semblable.

Même Csilla n'avait pas ce côté ville-monde comme Coruscant, probablement parce que les cités y étaient souterraines, ce qui changeait radicalement la manière de penser la vie urbaine. Quant à Sposia, c'était avant tout des cités de taille modérés, nombreuses et reliées les unes entre les autres, mais se fondant dans la biosphère : de l'espace, il était presque impossible de repérer une ville de Sposia sans déjà connaitre l'emplacement. Rien chez les chiss ne ressemblait de près ou de loin à Corustant, Nar-Shadaa ou Hosnian Prime. Elle secoua lentement la tête. Mais je divague, ça n'est pas important. La fatigue sans doute.

D'ailleurs, elle revint sur le bord alors qu'il expliquait ses raisons, à sa demande, et qu'elle l'écoutait pensivement. Garder en tête la valeur de la vie, quand on était impliqué dans une guerre à l'échelle galactique, c'était une chose rare, précieuse même, peut-être. Quelque chose qui risquait de lui nuire d'ailleurs, car en face, ceux qu'il rencontrerait n'auraient pas toujours une telle pondération. Elle-même, elle avait été sur le point de le tuer, s'il n'y avait pas eu l'explosion du vaisseau. Elle n'avait pas de regret d'avoir été sur le point de le faire, elle n'aurait pas eu de regret à l'avoir fait mais… elle était presque heureuse que les choses se soient passées ainsi. Cette guerre avait besoin de gens comme lui, capable de voir la personne derrière le conflit, même si cette sensibilité le rendait alors vulnérable. Pas pour la guerre elle-même, mais pour l'après, quand les combats cesserons, car ils ne pouvaient pas durer éternellement.

Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de te remercier. Alors… Merci. Répondit-elle simplement, sincèrement.

Elle s'assit sur une roche à fleur de l'eau, faisant passer son air pensif pour l'observation de sa blessure. Il avait raison, au fond, dans ses paroles elle ressentait comme les échos de ces principes qu'elle avait mis des années à enfouir. Oui, c'est toujours ça de moins. Approuva-t-elle d'un ton lointain. Les morts n'étaient pas les plus durs à porter. Elle-même, elle n'avait qu'assez peu tué directement, bien souvent les morts venaient par le biais des équipes qu'elle avait dû coordonner, organiser, diriger. Quand elle détectait une base ou une flottille, elle savait bien que l'issue serait fatale pour ceux d'en face, mais ça n'était pas la même chose. Le pire pour elle n'était pas de penser à ceux qui étaient morts de sa main, c'était ceux qui avaient souffert de sa main.
C'était son devoir. Elle ne le remettait pas en question. Si elle devait le refaire, elle le referait.
Mais la douleur restait.
Elle chassa ces pensées de son esprit, les dents serrées. La fatigue la rendait plus fragile, elle détestait ça.

Triss avait surpris son regard, sur sa blessure mais sur elle aussi et, une fois de plus, apprécia qu'il la regardait sans hostilité, du moins, si hostilité il y avait, ce n'était pas parce qu'elle était alien, mais parce qu'elle était impériale. Il faisait encore preuve de sollicitude à son égard alors qu'elle n'était plus en danger immédiat. Elle releva le regard vers lui, presque surprise.

- Pas trop mal, je dirais. Ça semble solide au moins. Tu tiens la forme ? Tu ne t'es pas beaucoup reposé la nuit dernière. S'inquiéta-t-elle.

En général elle se montrait respectueuse de la discrétion des autres, ce qui passait pour de l'indifférence était un simple principe qui voulait que si une personne voulait dire quelque chose sur son état, il n'avait qu'à le dire, mais s'il ne disait rien c'est qu'il ne désirait pas en parler. Ce qui passait parfois assez mal auprès des humains, aussi, comme il semblait se concerner de son état, elle en fit de même. Puis le silence revint, Triss continuait de savourer cette petite pause, contemplant le ciel tout en méditant sur ce qui les attendrait ensuite. Si elle appréciait le calme et ne se sentait nullement gênée par le silence, ce ne fut pas le cas de son compagnon d'infortune qui brisa le silence en annonçant que ça le stressait. Elle rouvrit les yeux, décidément, ce résistant était imprévisible ! Elle s'était attendue à ce qu'il finisse par dire quelque chose, oui, mais qu'il l'interroge sur son monde d'origine arrivait loin dans sa liste des hypothèses possible.

- Mon monde ? En fait les territoires chiss comptent un certain nombre de mondes. Mais celui d'origine se nomme Csilla. C'est un peu notre Coruscant, mais sous la glace et avec moins d'humain, et moins de… tous les autres. En fait il n'y a que des Chiss, nous sommes la seule espèce intelligente de ce coin des Régions Inconnues.

Elle se tu, il y aurait eu beaucoup à dire sur les siens, sur leur mode de fonctionnement, sur les deux armées distinctes, le système politique presque inexistant… Mais elle gardait un secret maniaque sur tout ce qui pouvait offrir à un étranger la moindre information exploitable. Encore qu'elle se sentait plus en confiance avec un type comme Tuiren que face à un de ses collègues potentiellement pris de velléité de conquêtes. L'emplacement précis de l'Ascendance était inconnu, sauf peut-être des plus hauts dirigeants impériaux, et c'était très bien ainsi.

- D'ailleurs les contacts avec le reste de la galaxie sont rare. Je suis une des rares Chiss à parler le basic. Les contacts avec des non-Chiss se limitent au bord de la Bordure Extérieure. Elle marqua une pause. Et c'est très bien ainsi. Entre la barrière géographique, culturelle et linguistique, ça ne serait pas utile de se mêler du reste de la galaxie. Elle réfléchit à ce qu'elle pouvait dire de plus, qui pourrait l'intéresser sans trop en dire non plus. Nous parlons le Cheunh entre nous, le Minnisiat et le Sy Bisti pour les échanges. C'est plus simple et, surtout, je n'ai jamais rencontré de non-Chiss capable de parler convenablement le Cheunh. Il suffit de voir l'exemple de "sachet de riz" pour le confirmer d'ailleurs. Dit-elle avec un demi sourire. C'est autant pour la prononciation que la mentalité qui va derrière. Même si nous sommes assez proche des humains, culturellement ça peut vite mener à des murs. J'ai eu des ennuis très vite à cause de ça : dès mon engagement j'ai appelé l'instructeur par son nom complet, prénom compris. Il n'a pas beaucoup aimé… Il a pris ça pour de l'insolence alors que, chez moi, ne pas dire le nom complet d'une personne qui ne nous est pas proche est un manque total de respect. J'ai encore du mal à savoir quel nom utiliser et dans quelle mesure avec les humains, heureusement que dans l'armée on utilise surtout les grades.

Elle l'observa, attentivement. De son air le plus impénétrable avant d'ajouter :
- Par contre, maintenant que tu sais tout ça… Je vais devoir te tuer… Dit-elle, sa voix se faisant glacée, pleine de menace et de froide résolution alors qu'elle plantait son regard le plus terrifiant vers le résistant. Avant de rire. Je plaisante ! Elle ne lui avait pas encore fait son numéro de l'impériale-méchante et n'avait pu résister, mais sentant la tension monter d'un cran et le résistant sur le point de défendre sa vie, elle préféra écourter sa blague, par prudence. Elle se reprit, bien que conservant un petit sourire amusé. Plus sérieusement, je ne peux pas en dire plus, ni à toi, ni à personne. C'est mon foyer. La confidentialité fait partie de la sécurité. L'amusement fit place à la mélancolie, sur ses traits jamais fort expressif, se lu pourtant la nostalgie. Sposia, mon monde, ressemble un peu à Dathomir. Les rancors en moins.

S'il n'avait pas été dans l'eau et s'il avait été armé, sa petite blague aurait bien pu mal tourner, aux vues de l'hostilité qui passa sur le visage du résistant. Pourtant, la plaisanterie révélée, il se calma assez vite et sembla ne pas s'en formaliser plus que nécessaire, allant même jusqu'à protester en des termes qui surprirent l'impériale. Surtout de la part d'un ennemi,  mais l'était-il encore vraiment ? Il y avait une espèce de complicité dans sa protestation, le même genre de remarque qu'aurait pu lui envoyer Kenan, Priya, des amis proches en somme. Si elle entretenait du reste des rapports assez cordiaux avec ceux qui travaillaient avec elle, en dehors de son cercle très proche, jamais personne d'autre n'aurait osé s'adresser à elle de la sorte. Des autres, les propos étaient autrement plus offensifs, souvent à coup de "pourriture alien" et autre qualificatifs du même acabit. Non, elle n'aurait certainement pas imaginé un "t'es con !" de la part d'un résistant envers elle. Elle fut la première surprise de constater à quel point elle ne s'en formalisa pourtant pas.

A l'inverse, elle rit de bon cœur, son visage toujours tout en retenue exprimant pourtant un air mutin presque enfantin. Et alors ? Elle est passée où l'habitude ? Elle esquissa un geste du pied pour repousser l'eau vers lui, mais se ravisa, cette gaminerie n'aurait vraiment pas été digne d'elle, même si l'envie avait été très forte. Ce fichu rebelle en appelait bien trop à sa fibre spontanée qu'elle ne laissait jamais s'exprimer. D'ailleurs il en appelait surtout beaucoup trop à sa sensibilité et, quand il continua à lui poser des questions sur le thème de son monde d'origine, basculant sur ses raisons d'avoir quitté son monde pour l'Empire, son premier réflexe fut de vouloir lui rétorquer un "occupe-toi donc de tes miches, tu veux ?". Elle ouvrit la bouche, mais ne dit rien, les sourcils froncés.

Comment expliquer à un résistant pourquoi une alien a tout quitté pour rejoindre une armée qui la mépriserait de par sa nature… Et susceptible, effectivement, de vouloir s'en prendre aux Chiss si l'occasion s'en présentait. La question méritait d'être posée, après tout. Elle eut un léger soupire, tendue mais pensive.

- Cela va probablement passer pour de la suffisance, on m'en a souvent fait la remarque mais… je n'ai jamais considéré l'Empire comme une menace pour l'Ascendance Chiss. Peu d'intérêt stratégique, en autarcie dans des régions dont personne des mondes centraux ne se soucient. On vit dans un coin que vous n'avez même jamais tenté de cartographier, c'est tout de même révélateur. Et quand bien même, historiquement, jamais nous n'avons subis d'invasion, ni humaine ni autre. Il y a eu des tentatives, tous s'en s'ont mordu les doigts. Il y a un très grand point commun entre les Chiss et l'Empire : une armée omniprésente et sans concessions. Ni l'Empire, ni aucune flotte n'aurait une chance de passer les frontières Chiss. Fanfaronna-t-elle. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être militaire. J'ai toujours voulu protéger. Dit-elle d'une voix rêveuse. Elle en avait fait du chemin depuis l'époque où elle s'initiait au renseignement pour le compte des Sharo, petite documentaliste de la bibliothèque expéditionnaire en se frayant une place dans la communauté de Csilla. Mais je ne tenais pas en place, je voulais toujours en savoir plus sur les autres peuples. Je faisais de la surveillance des frontières et dès que j'ai eu l'occasion d'entrer en contact avec des humains, je l'ai fait. C'était des impériaux. Son blaster pointé vers Lupren pendant que Kenan l'insultait en croyant qu'elle ne parlait pas le basic, un premier contact curieux, dire que ces deux-là étaient de ses amis les plus proches, aujourd'hui. Ça m'a ouvert l'opportunité de rejoindre l'armée impériale, par la suite. Je l'ai saisie. C'était une occasion unique.

Elle se tu, si elle poursuivait sur cette voie, elle risquait fort de se lancer dans des propos menant fatalement à condamner la rébellion et ses actes, l'incompétence flagrante de la nouvelle République et la fragilité dans laquelle leurs caprices plongeaient la galaxie. Qu'est ce qui t'as poussé à rejoindre la Résistance ? Demanda-t-elle, de but en blanc. Jamais elle n'avait eu de conversation civilisée avec un rebelle ou un résistant. Tu sembles quelqu'un de rationnel, je n'ai pas l'impression que tu l'as fait parce que "c'est vous les gentil et nous sommes les méchants", il doit bien y avoir autre chose, non ?  

Il était vrai qu'après presque une décennie à servir l'Empire, après être arrivée là où elle en était, à ce grade alors qu'elle partait bien mal en cumulant sa nature alien et féminine, pour avoir faillis y rester sur une fichue planète sauvage à cause d'un jeune résistant, ça n'aurait assurément pas été la fin dont elle aurait rêvé. Au final, elle s'en sortait bien, un autre résistant, cela l'aurait sans doute mise hors d'elle mais Tuiren avait en peu de temps su se hisser au rang de "personne appréciable", chose déjà rare parmi ses collègues et sans doute un adjectif qu'elle n'aurait jamais songé employer envers un ennemi.

- C'est très précisément les vacances dont je rêvais. Ironisa-t-elle. Mais j'ai déjà été dans des situations bien pires et… en plus mauvaise compagnie.

A son tour, il lui raconta son histoire, assez semblable à la sienne au final. Il avait suivi sa voie et c'était dans la continuité des choses qu'il était arrivé où il était. A la différence qu'il avait choisi la vie militaire à défaut de trouver autre chose, là où Triss rêvait de porter l'uniforme depuis toute petite. Ce qui la surprit, en revanche, c'était qu'il parla avant tout de sa déception face à la Nouvelle République, elle s'était attendue à ce qu'il commence par argumenter son opposition à l'Empire, pourtant ce ne fut pas sa première cible. La surprise dû se voir sur le visage de la Chiss, il venait de remettre en question en quelques mots ce qu'elle pensait des motivations de la Résistance. Elle avait toujours pensé que la Résistance n'était qu'une extension officieuse des forces républicaines, en aucun cas que les résistants le devenaient pour s'opposer également à la République. C'était surprenant, réellement surprenant. Elle songea à lui demander quelques éclaircissements dans ce sens, acceptant de revoir à zéro tout ce qu'elle pensait des motivations de la résistance, mais il n'avait pas fini son histoire. Et ne trouva rien de plus spirituel que de les comparer à contrario à un groupe d'ewoks, elle tiqua : oui, en effet, elles étaient hargneuses et si les crétins de généraux en factions sur Endor ne les avaient pas sous-estimé en les reléguant au rang de créatures primitives, peut être que la bataille éponyme aurait connu un autre dénouement. Et nombre de ses amis auraient été encore en vie… Elle ne prit pas la peine de relever l'insinuation. Après tout, cette victoire devait être portée au crédit de la rébellion, ils avaient su exploiter les spécificités du peuple local, c'était dur à admettre mais c'était bien joué. C'était également pour cela que Triss mettait depuis un point d'honneur à se renseigner sur l'histoire et la culture des planètes sur lesquelles elle travaillait. Des erreurs de l'Empire, elle comptait bien apprendre pour ne plus les reproduire.

Le reste, elle l'avait pas mal provoqué également, mais ce fut un réquisitoire assez fondé sur les entorses à la liberté et aux dérives que cela avait engendré. A une réserve près : il faisait comme beaucoup l'erreur de penser que l'Empire avait sévit partout, c'était dans le mode de propagande rebelle en première page : laisser entendre que l'Empire avait fait souffrir tout le monde, sans exception. Dans certains systèmes, surtout les plus important, ce n'était pas faux, les mondes comme Coruscant, Corellia et autres avaient connu une résistance particulièrement virulente au régime impérial et nécessité des mesures de répression parfois surdimensionnées. Mais c'était en faisant fi des innombrables autres systèmes qui avaient vécu le changement de régime sans que cela ne change leur vies : les administrateurs étaient restés les mêmes, certains systèmes n'avaient même jamais eu la moindre patrouille armées sur leurs territoires. Mais elle ne se sentait pas la force de se lancer dans un argumentaire de contre-propagande, d'autant plus que Tuiren rejoignait son avis en certain points.

- En général j'assume bien de faire partie de cette bande d'enfoirés. Remarqua-t-elle d'un ton calme. Le danger est de penser un système comme étant infaillible. La Nouvelle République ne l'est pas. L'Empire ne l'est pas non plus et j'en suis consciente. Notre fonctionnement est pensé à l'échelle de la galaxie dans son ensemble, d'un point de vue purement pratique il remplit son rôle martial : la protection, l'expansion… C'est une organisation massive qui devait réunir et fédérer des milliers de systèmes, ce qui en fait naturellement quelque chose de 'déshumanisé'. C'est hiérarchisé et stratifié, nécessitant de donner une large marge d'action aux dirigeants locaux. Pour peu qu'un responsable de secteur ait la dent longue, c'est la population qui en pâtit. Et quand la population se révolte… Disons que ça se saurait si la diplomatie était notre fort. Moi la première.

L'Empire avait choisi le partit de la puissance et l'intransigeance, ne pas faire d'exception et mettre tout le monde au pas, tous logés à la même enseigne, c'était parfois cruel mais c'était un mode de direction comme un autre.

- La République tente l'approche par la conciliation et, au final, ce n'est pas beaucoup plus efficace : un pouvoir central ne peut pas mettre tout le monde d'accord, ni par la conciliation, ni par la force. J'ignore quelle serait la solution d'autant plus que ceux qui prennent le pouvoir, qu'importe sous quelle bannière, le font bien souvent par pure avidité personnelle. Elle secoua légèrement la tête, ne cachant pas sa désapprobation. Le carriérisme était quelque chose qui ne touchait pas que l'Empire. Est-ce que pour cela il faut renoncer à tenter d'atteindre une unité galactique ? Je doute que laisser les choses se gérer d'elles-mêmes soit la solution. Nous aurions alors juste une galaxie fragile, constamment plongée dans les conflits interne. Ce type de tension, seul une autorité centrale peut les apaiser et éviter des affrontements stériles et dévastateurs. Sans compter le risque d'une galaxie divisée en cas de menace majeure.

Qu'aurait-elle fait si elle avait croisé des rebelles avant des impériaux ? Elle resta en silence quelques instants, jouant distraitement de la main dans le fil de l'eau. Peut-être que si à l'époque elle avait eu connaissance des dérives de l'Empire, elle se serait posée la question, mais l'alternative se serait alors résumée à rejoindre l'Empire ou rester à sa place, auprès des Chiss. Elle finit par se décider à reprendre la parole, s'efforçant de ne pas adopter un ton trop froid, trop tranchant, ne voulant en aucun cas faire preuve d'une agressivité démesurée envers ce résistant qui avait au final des raisons plutôt légitime d'en vouloir à ce que l'Empire représentait. Ce qu'elle avait accepté était parfois dur, mais cela ne justifiait pas dix ans de guerre civile.

- Ça n'aurait rien changé, déjà parce que j'ai quelque peu provoqué la rencontre. Avoua-t-elle. Ils étaient encore loin de l'Ascendance quand Triss les avaient interceptés, sous couvert d'une reconnaissance avancée au-delà des frontières. Mais aussi parce qu'à l'époque, je n'aurais jamais pu soutenir la rébellion : c'était il y a presque 10 ans, depuis, j'ai vécu entre autre sur Coruscant, j'ai vu les dérives de certains représentants de l'Empire dans leurs secteurs et il y a certaines choses que je ne pourrais pas cautionner avec sincérité. Avec mon vécu actuel, peut-être que j'y aurais réfléchi, c'est vrai. Mais à l'époque, tout ce que j'en voyais c'était une milice privée utilisant les forces armées, les raids, les offensives pures contre un pouvoir en place par pure protestation. Ce conflit qui partait d'un simple mécontentement a dégénéré en guerre civile, une guerre sciemment provoquée et qui continue encore, faisant toujours plus de victimes d'un côté comme de l'autre. Tout ça pour quoi ? Remettre en place une République qui avait échoué. Tu le dis toi-même, elle vous a déçu, au point que vous repreniez de nouveau les armes, dans quel but au final ? Détruire l'Empire et la République ?

Evidemment, avec ses explications détaillées et ses digressions, Triss était juste parvenue à égarer le résistant en cours de route. En d'autres circonstances elle se serait moquée de son manque de concentration mais ce dernier manquait encore plus de sommeil qu'elle. Aussi pouvait-elle bien passer sous silence le fait qu'il n'avait pas su suivre son plaidoyer passionné sur l'importance capitale d'une galaxie unifiée. Tu aurais besoin de repos… Glissa-t-elle tout de même quand elle eut résumé ses propos en quelques phrases. Attend, tu n'es quand même pas en train de me traiter de… politicienne ? Répliqua-t-elle d'un ton faussement vexée. Elle n'était pas vexée à proprement parler mais elle tenait la politique en profond mépris, le fait de parler un basic assez poussé ne faisait tout de même pas d'elle un fichu sénateur !

Mais si l'atmosphère aurait pu s'alléger, la tendance s'inversa nette quand Tuiren aborda l'un des points les plus délicats de l'histoire de l'Empire. L'Étoile de la Mort. Laquelle exactement ? Pensa-t-elle avec cynisme, avant de le voir s'éloigner d'un pas lourd qui lui fit renoncer à toute idée de plaisanterie douteuse avant que les mots ne sortent. Elle resta seule sur son rocher, partagée entre l'irritation et une certaine… tristesse ? L'empathie était un sentiment dont elle avait l'habitude de se couper, c'était le métier qui voulait ça et malgré son apparente insensibilité, elle avait dû apprendre la maîtrise de ses émotions, la prise de recul, pour ne pas perdre l'esprit. Souvent, elle faisait taire ce type de sentiments parasites sous le cynisme, l'humour noir et une volonté inébranlable face au devoir. Elle jouait bien le jeu mais au fond, derrière ses protections mentales, restait toujours les émotions, certes, exprimées assez succinctement comparé aux humains, mais présent. Dans le cas présent, l'empathie avait su frayer un chemin alors qu'elle voyait Tuiren, un peu plus loin, penché vers son droïde. Elle détourna le regard, partagée. Il aurait été facile de continuer de jouer son rôle, de faire comme si jamais le doute ne l'avait habitée, pourtant elle ne voulait pas le jouer, pas aujourd'hui. Pas avec lui. Elle glissa une main dans ses cheveux encore humides, hésitante. Puis se leva.

- Une erreur. Elle était revenue vers Tuiren et s'arrêta à quelques pas de lui et de son droïde. Voilà ce qu'elle venait faire dans cette histoire.

En aucun cas elle ne s'était permise de remettre ouvertement les décisions passées de l'Empire, elle n'en avait pas le droit et ce type de remises en question était rarement bien toléré, surtout de la part de quelqu'un comme elle. Aussi, elle se taisait la plupart du temps. Pourquoi se taire devant Tuiren ? Il n'était pas de l'Empire, qui mieux que lui devait savoir que même dans l'Empire, certaines personnes n'avaient pas approuvés une base démesurée au potentiel destructeur complètement irraisonné.

- Mon avis ne compte pas beaucoup mais… Elle s'assit sur une souche, les dents serrées par la rage qui l'habitait encore, cette impuissance qu'elle n'avait jamais eu le droit d'exprimer. C'était censé être un outil dissuasif, rien de plus. Jamais ça n'aurait dû être utilisé, jamais !

Le jour où l'arme avait été utilisée, Triss s'était sentie si mal, elle avait été à deux doigts de tout laisser tomber, repartir vers les Régions Inconnues, même si elle n'obtenait pas le droit de revenir chez elle. Quand elle avait appris la destruction d'Alderaan, longtemps, la culpabilité l'avait rongée. Elle n'en était pas directement responsable, mais elle faisait partie de ceux qui avaient identifiés des rebelles parmi les responsables alderaaniens, même si le véritable déclencheur avait été le vol des plans. Plans qui n'auraient pas été volés si l'arme n'avait pas existé. Si l'Etoile Noire n'avait pas existé, la rébellion ne serait restée qu'un vague soulèvement rapidement oublié, il n'aurait jamais pris d'ampleur. L'Etoile avait donné sa raison d'être à la Rébellion et la destruction d'Alderaan avait été un argument offert pour attiser les colères, elle leur avait donné une légitimité, confirmé l'image abusive de l'Empire. Si Alderaan n'avait pas été détruite, en dehors des deux milliards de vies épargnés, l'Histoire n'aurait sans doute pas évolué de la même manière.

- On ne changera pas le passé… C'est quelque chose avec lequel on doit vivre. Murmura-t-elle, la tête baissée, les yeux hermétiquement clos.

Le froid s'était immiscé dans le silence, à peine brisé par la remarque du résistant sur l'écriture du futur. Triss se doutait que sa vision de l'écriture en cet instant devait être assez différente de la sienne : consciente de l'importance d'un système fort à la tête de la galaxie, elle préférait être de ceux qui feraient évoluer ce qui existait plutôt que de ceux qui se contentaient de vouloir tout détruire. Car quel autre but il y avait à la résistance ? Il n'était toujours question que d’empêcher l'Empire d'agir, de faire front, de détruire des forces et des vies. Mais à quel moment proposaient-ils un autre système en échange ? Quel était leur solution miracle qui contenterait chaque individu de la galaxie ? Son sourire n'était pas le même que quand ils plaisantaient simplement, il y avait quelque chose de plus sérieux dans son défi. Sur le même ton et sans le moindre sourire, Triss ponctua sa remarque. Ça tombe bien. J'aime relever les défis. Dit-elle calmement, sans froideur mais sans chaleur non plus.

Ce dernier échange sembla mettre fin à ce débat qui n'en était pas un : ils atteignaient visiblement les limites de leur entente. Il était impossible qu'un résistant et une impériale n'approchent jamais l'obstacle que représentaient leurs camps respectifs mais l'un comme l'autre semblaient avoir le bon sens de ne pas s'attarder sur ces sujets de discordes alors qu'ils devaient encore faire un bout de route ensemble. Tuiren s'était d'ailleurs levé pour chercher sa tenue de rechange, avant de lui confier également des vêtements intacts. Elle songea à décliner poliment avant de tourner le regard vers son équipement abandonné en boule près du rivage. A la réflexion, elle accepta les vêtements que lui tendaient le résistant en le remerciant, puis s'habilla. C'était effectivement trop grand mais parvenait tout de même à ne pas être ridicule, c'était déjà ça. Désormais vêtue, elle alla récupérer ses affaires qu'elle empaqueta soigneusement ; elle se voyait mal revenir en territoire impérial avec les affaires d'un résistant. Elle s'assurait que la plaque de Jord se trouvait toujours bien dans ses affaires quand Tuiren revint vers elle, elle leva la tête alors qu'il revenait sur leur échange un peu tendu. Elle fit un léger signe de tête, presque mélancolique.

- Il est important de reconnaître les erreurs passées pour ne pas les répéter. Un jour, il sera temps de parler de paix, ce jour-là chacun devra être conscient de ce qu'il a fait, en bien ou en mal. Et selon elle, les super-armes n'avaient jamais été une bonne idée et si, parmi le haut commandement, certains se mettaient en tête de réitérer l'erreur, alors elle n'hésiterait pas à leur rappeler les fiascos précédents.

Ce n'étaient pas là les seules erreurs mais c'étaient les plus visibles. Personne n'était immaculé en ces temps de guerre, de toute façon. Elle se refusa de laisser ses pensées se perdre dans ses actions personnelles, ce n'était pas le moment pour ça, elle aurait bien d'autres occasions de réfléchir à ce qu'elle avait pu faire dans sa carrière qui pourraient facilement être vu comme répréhensible aux yeux des opposants de l'Empire. De toute façon, Tuiren avait raison : il était temps de reprendre la route. Elle eut un petit sourire en entendant une fois de dire le sobriquet donné au rancor et acquiesça. Il a bien mérité sa liberté et de ne plus avoir à s'approcher des autochtones contre son gré.

La grosse bête n'était pas bien loin et les regarda s'approcher sans marquer la moindre méfiance, Triss s'amusa un instant à l'imaginer leur faire la fête comme l'aurait fait un chien akk, en battant de la queue et jappant joyeusement. L'image fut à deux doigts de la faire éclater de rire pendant que Tuiren s'adressait à Ch'acevi, elle se planta à ses côtés, posant la main sur une des imposantes chaînes qui permettaient de le guider.

- On devrait te débarrasser de toute cette ferraille. Ça te va mon grand ?

Joignant le geste à la parole, Triss grimpa sur le dos du rancor et entrepris de décrocher les attaches de la selle, les longes qui permettaient de s'accrocher, laissant à Tuiren le soin de s'occuper des chaînes à son niveau. Enfin, le lourd équipement qui l'entravait glissa de son dos sur le sol dans un bruit de métal. Le rancor s'ébroua, manquant de désarçonner la chiss perchée qui s'empressa de retrouver la stabilité du sol. Ch'acevi se dressa de toute sa hauteur sur ses pattes arrière, lâchant un puissant rugissement qui devait probablement exprimer sa joie de retrouver sa liberté de mouvement. Puis se laissa tomber en avant, ses pattes avant retombèrent sur le sol devant Triss et Turien. Sa tête massive vient se placer entre eux, les poussant avec une délicatesse de rancor, ce qui faillit envoyer les deux humains/humanoïdes au sol. C'était sans doute une marque d'affection et Triss flatta la tête tout en espérant qu'avec sa liberté retrouvée, leur ami n'aurait pas soudain l'idée de les dévorer. La reconnaissance dû être réelle car, sur un dernier grondement et coup de tête, il se redressa et s'éloigna, d'abord doucement, puis se mit à courir vers la lisière des arbres où il disparu. Bientôt, les ondes de choc de ses pas devinrent imperceptibles.

- Une bonne chose de faite. Apprécia la Chiss. Je n'ai plus de monture, par contre. Il y a de la place pour deux dans ton taxi ? Demanda-t-elle en se tournant vers Tuiren. Elle se voyait mal cavaler derrière le X-Wing à la vitesse de Ch'acevi, à présent. Et puis.... J'ai toujours rêvé de voler dans un de ces machins-là Avoua-t-elle dans un sourire presque enfantin.

Il aurait pu être sérieux quand il suggéra qu'elle voyage dans la cale, aussi Triss soupesa quelques instants cette suggestion avant de décréter qu'il plaisantait, ce qui fut effectivement le cas. Ils échangèrent un sourire. Déjà, il ne lui avait pas ri au nez, ce qui constituait une sérieuse évolution, quand elle repensait au rire qu'il avait eu la veille quand elle avait demandé à récupérer son blaster. Une journée seulement et il la portait comme captive blessée, à présent.. A présent, cette plaisanterie échangée et ce sourire de connivence était déjà l'un des quelques déjà survenus entre eux. Comme un lien incertain et incongru qui se frayait un chemin malgré le mur opaque que constituait leurs serments à leurs camps respectifs.

Triss s'approcha du droïde à son tour, quand Tuiren renonça à lui faire entendre raison et s'en détacha en lui demandant de se débrouiller avec elle. Triss s'accroupit et tendit la main vers le droïde comme vers un animal farouche à mettre en confiance.

- Salut Rick... Aïe ! Elle se frotta la main, après une trille menaçante, il lui avait décoché une légère décharge lui laissant la main engourdie. On peut discuter non ?! Protesta-t-elle. Okay, okay, je ne m'approche pas plus que ça.

Elle soupira, restant à distance prudente et se demandant comment diable elle allait raisonner cette tête de bantha de droïde ?

- Écoute. Je sais que tu protèges Tuiren contre les menace. Je sais aussi que pour toi je suis clairement une menace. Tu as raison de te méfier, mais tu m'as l'air d'être un droïde très malin : tu le vois bien que je ne compte pas lui faire du mal.

Elle s'assit face à lui, rassemblant toute sa patience et toute la diplomatie dont elle était capable. Il bipait à une allure bien trop soutenue pour qu'elle puisse en comprendre quoi que ce soit... Elle avait beau pratiquer couramment plusieurs langues, les bips de droïdes lui échappaient toujours. Triss lança un regard désemparé au résistant, ignorant si ce que le droïde lui disait était positif ou non, dans le doute elle tabla sur un non. Peut-être un rien interrogatif d'ailleurs.

- On a fait une trêve. Je n'ai pas l'intention de la briser. Je t'assure !

Elle débattit encore un moment pour tenter de lui assurer que non, elle n'attaquerait pas Tuiren, et que oui, elle avait un code d'honneur très clair et qu'il n'était pas question pour elle de briser un serment. Le droïde ne voulait rien entendre et Triss commençait tout doucement à perdre courage, elle avait déjà raisonné des esprits particulièrement retords, mais Rick était aussi opiniâtre que Noxis ! Il était plus facile de convaincre un officier raciste anti-humain du bien fondé de son raisonnement en stratégie navale que de demander à un astro-droide de monter à bord d'un chasseur. Cela devenait ridicule.

- Pour la dixième fois, non, je ne prépare pas de sale coup contre lui, je ne complote rien ou que sais-je ! Je l'aime bien, il m'a sauvée la vie, alors par la Force laisse-moi monter à bord. Qu'est ce qu'il faut que je fasse, que je te promette qu'un plus je te décrasserais moi-même une fois en ville ? Déclara-t-elle d'un ton fatigué tout en se tournant une fois de plus vers Tuiren. Et c'est que je le ferais si ça pouvait le convaincre.

Enfin, à force de négociations et l'aide du résistant, ils parvinrent à convaincre le droïde de lui donner l'autorisation de monter dans le X-Wing. C'est avec une satisfaction non dissimulée qu'elle s'installa, soulagée de retrouver la technologie après toute cette cavale. Même l'inconfort que représentait l’étroitesse de l’habitacle ne pouvait la gêner, mais serrée ainsi elle repensa à la façon donc il l'avait protégée quand ils avaient cru que le rancor allait les attaquer. Elle écarta ces considérations d'un geste de la tête et en profita pour contempler la verrière du cockpit qui se refermait sur eux, les moteurs se mettant en marche. Seuls plus de dix ans de vie militaire et de dignité à toute épreuve l’empêchaient de trépigner comme une enfant.

- La visibilité est géniale, tellement plus pratique que celle des TIE. Remarqua-t-elle cependant. C'est d'ailleurs pour ça que je ne suis pas pilote. Avec un modèle comme un X-Wing, peut être qu'elle serait plus volontiers restée aux commandes de vaisseaux, comme elle l'avait envisagée quand elle était entrée dans la Flotte Chiss.

- Le bouclier ne me manque pas, mais j'ai toujours appris sans. Par contre... faut admettre que dans un TIE on aurait été un poil moins l'un sur l'autre. Plaisanta-t-elle alors qu'ils étaient compressés l'un contre l'autre.

Dire qu'elle ne tolérait que peu le contact physique en général... Pourtant elle devait moins se faire violence qu'elle ne l'avait craint. C'était inconfortable et la pression sur ses côtes encore fragiles restait douloureux, mais elle n'éprouvait pas ce désir irrésistible de frapper la personne en contact direct avec elle. Ce qui était probablement préférable pour Tuiren, d'ailleurs. Au contraire même : la situation l'amusait et le contact avec l'humain avait même un côté apaisant, elle y était indiscutablement mieux que dans la soute.

- Officier des surveillances, en général. Mais comme je seconde mon chef, je touche un peu à tout. Dit-elle succinctement.

Elle ne voulait pas trop en dire sur le Vigilant et ses spécificités, d'ailleurs, son rôle de second était assez peu officiel et venait surtout du fait qu'elle et Lupren étaient amis, qu'il la consultait sur nombre de sujets qui faisait d'elle son second, en pratique, bien qu'elle n'ait pas le grade reconnu qui correspondait. Non pas que son ami voulait la tenir éloignée du commandement, bien au contraire, mais une non-humaine chez les officiers faisait déjà grincer certains des dents, alors la coller un peu plus haut que Lieutenant était encore impensable. C'était une injustice à laquelle elle s'était accoutumée, mais d'une nature volontaire et directive, elle assumait plus de responsabilités qu'un simple officier de surveillance. Elle contempla l’extérieur en silence, jusqu'à ce qu'un des propulseurs ne leur fit défaut et que le pilote annonça son intention de se poser.

- Parce que nous ne sommes pas continuellement en rade ? Demanda-t-elle d'un ton innocent.

Ils se posèrent et tout deux sortirent avec une grâce assez relative de l'habitacle. Triss fit quelques pas avant de rejoindre le résistant et observer le moteur par-dessus son épaule. Enfin, soyons réaliste, sur le côté de son épaule plutôt, car si la Chiss était grande selon des critères féminins humanoïdes... Tuiren était vraiment grand ! Elle constata que le système du vaisseau lui étaient globalement familiers et observait le travail du résistant en silence quand Rick les interpella ; Tuiren lui demanda d'aller voir ce qu'il voulait, elle fit un signe de tête.

- J'y vais. Dit-elle en grimpant sur l'aile pour se hisser à la hauteur du cockpit, là où le droïde sifflotait avec insistance. Elle lut sur l'écran qu'il avait senti quelque chose. Triss haussa un sourcil et activa le radar, bien vite interrompue par une trille outrée de la part de Rick. Quoi ? Je cherche ce que tu as vu. Non, je ne vais pas "fouiner" comme tu dis. Détend-toi un peu les boulons pour l'amour des étoiles ! Voyons voir ça... Le radar captait un signal, en accord aven les senseurs du droïde. Un appareil filait droit vers eux. Elle se pencha vers l’extérieur. Tuiren ? Tu devrais venir voir ça ! Appela-t-elle.

Quand il fut à hauteur du cockpit, Triss lui montra les résultats du radar et surtout le signal détecté qui ressemblait très fort à celui d'un petit appareil de sol, un speeder probablement. Le premier signe de technologie avancée depuis qu'ils étaient sur cette planète et, comme Tuiren le releva, avançait vite et dans leur direction. Ils revinrent dans l'habitacle et Triss garda son blaster à la main, au cas où ce qui arrivait se montrait hostile. Pourtant, quand le speeder fut en vue, il passa à proximité sans plus d'attention envers eux, avant de poursuivre sa route sur la même trajectoire. Triss le suivi du regard alors qu'il s'éloignait vers la forêt.

- Étrange et suspect. Ponctua-t-elle de tous ses réflexes d'impériale rompue à la surveillance et aux activités louches.

Ils échangèrent un regard puis se plongèrent dans un silence méditatif où l'un et l'autre semblaient se demander ce qu'ils devaient faire, repartir, enquêter... Un grondement vint mettre un terme à leur hésitation quand Tuiren exprima tout haut ce que Triss pensa aussitôt : leur ami le rancor ?

- Ch'acevi. Corrigea-t-elle par réflexe. Bon sang oui, tu as raison, ça semble être lui.

Elle s'extirpa du cockpit et sauta au sol, la main sur son blaster tout en faisant quelques pas dans la direction du grondement. Au sol, elle s'arrêta tout de même, hésitante, se tourna vers Tuiren, les sourcils froncés. Je vais jeter un œil. Si c'est bien Ch'acevi... Il y a des chances pour le passager du speeder soit une sorte de braconnier. Je ne sais pas pour toi, mais les braconniers, je ne les aime pas plus que ça. Le blaster armé dans sa main en disait long sur l'euphémisme quant à son désamour du braconnage et autre esclavagistes.

Elle se mit à courir, parvenant à oublier la fatigue et les courbatures. La progression au travers de la végétation n'était pas aisée mais elle constata qu'elle n'était pas seule : Tuiren l'avait suivie et sa présence lui donna un sourire et un peu plus de forces. Elle semblait sure d'elle mais c'était largement préférable de ne pas aller se frotter seule à un potentiel braconnier hostile. Enfin, ils arrivèrent, un autre grondement de rancor était tout proche à présent.

Un homme était là face au rancor, une arme qui ressemblait à un lance-harpon dans les mains, tenant en respect un Ch'acevi déjà blessé et furieux. Ses grondements exprimaient son désir d'attaquer mais la menace de l'arme semblait suffisante pour le faire hésiter, sans doute les souvenirs de ce qu'il avait subit aux mains de ses anciennes tourmenteuses... La Chiss pointa son blaster vers l'agresseur et tira un coup de semonce qui le frôla de très près.

- Hey vous là ! Foutez la paix à ce rancor ! Menaça-t-elle d'une voix ferme et tranchante. Posez votre arme ou je fais feu. C'est mon seul avertissement.

Elle espérait ne pas avoir à en venir à la violence, non pas que ça pouvait la déranger : elle avait déjà perpétré bien pire que ça mais... Elle lança un regard à Tuiren. C'était stupide, mais elle voulait lui prouver que tous les impériaux n'étaient pas des froids offensifs à la gâchette facile. Son regard ne fut que furtif pour ne pas perdre le type des yeux, qu'il ne lui vienne pas l'envie d'attaquer pendant qu'elle avait le dos tourné. Ch'acevi, lui, se fichait pas mal d'avoir l'air agressif et la présence de l'impériale et du résistant lui donnèrent visiblement l'ouverture qu'il attendait. D'un bond, il fondit sur l'homme et le balaya d'un puissant coup de patte. Bien joué. Triss sourit et tourna de nouveau son blaster vers l'homme qui se relevait un peu plus loin. Je crois que notre ami ici présent est moins disposé à la négociation.

Pourquoi certaines personnes avaient encore la stupidité de ne pas la prendre au sérieux quand elle menaçait ? Certains, souvent, se montraient raisonnable et devant le duo "blaster" plus "ton sans réplique" de l'officier, ils acceptaient ses conditions, partaient ou se rendaient, sans qu'il n'y ai d'effusion de sang. Et parfois non. Ils étaient manifestement en présence d'un "non"… Même le coup de patte de Ch'acevi n'était pas un avertissement suffisant ; ce monsieur semblait inconscient de sa fâcheuse posture. Triss haussa un sourcil quand elle entendit Tuiren prendre sa défense, de nouveau.

- Soyez donc raisonnable. D'ici ou pas d'ici il est clair que…

La fin de sa phrase fut inaudible devant le rugissement de Ch'acevi qui en avait assurément assez des négociations, ce rancor n'avait pas le moindre sens diplomatique. Sans prendre le risque de vérifier s'il reconnaitrait encore ses amis, Triss se laissa entrainée à l'abri par Tuiren alors qu'une grosse patte griffue balaya l'air derrière eux. Si la bête avait un semblant de conscience et de reconnaissance, il était actuellement blessé et ne faisait plus la différence entre ce qui le menaçait et ceux qui menaçaient celui qui le menaçait. Cela faisait bien trop d'échanges de menaces pour l'esprit somme toute primaire du rancor. Ce dernier huma l'air et se mit en traque. Fort heureusement pour les deux rescapés, ce ne fut pas leur odeur qu'il capta en premier et il s'éloigna à pas lourd, vers l'emplacement où le présumé braconnier devait s'être planqué, à en juger par les tirs de laser qui arrosaient désormais leur position. Triss se tourna et répliqua en prenant garde à la cible collatérale et massive qui ne savait plus trop où donner de la tête. Elle revint à couvert, accroupie auprès du résistant qui commentait leurs petites "vacances".

- La vie à bord des Destroyer va me paraitre bien morne après ces vacances, c'est certain. Elle se pencha pour éviter un trait d'énergie qui fit voler quelques éclats de bois de leur frêle abri. La prochaine fois, je suggère un petit safari sur Hoth pour découvrir le joies de l'hospitalité des Wampas, qu'est-ce que tu en dis ? Elle se retourna, tira quelques coups de blaster et revint à couvert en jurant, elle avait failli toucher le rancor qui grattait devant la planque de son agresseur. Peu d'affluence, des paysages aux charmes méconnus, une météo parfaite… C'est moi qui invite. Elle vérifia le niveau d'énergie de son blaster. Mais il va sortir de sa planque le fils de Hut… Ah !

Le rancor venait de soulever la souche qui abritait l'homme, le laissant à découvert une brève seconde, qui fut suffisait pour que Triss saisisse l'opportunité et son tir vint le frapper dans le bras. Il lâcha son arme et se jeta en arrière pour éviter la patte de Ch'acevi qui essayait de le saisir. Le rancor sembla abandonner, laissant la souche retomber lourdement, écrasant au passage l'arme abandonnée ; il poussa un grondement sourd avant de s'éloigner de quelques pas pour se focaliser sur sa blessure à grand coup de langue poisseuse.

- Ça vous dit de vous rendre maintenant ? Lança Triss.

- Allez vous faire foutre ! Répliqua la voix rageuse et manifestement crispée.

- Et malappris avec ça. Soupira Triss en lançant un regard vers Tuiren.

Elle prit une légère inspiration et se leva, à découvert. Ch'acevi leva la tête vers elle, gronda mais ne bougea pas, ni même quand elle s'approcha de l'abri où gisait l'agresseur. Triss fit signe à Tuiren qu'il pouvait sortir, si le cœur lui en disait, et passa derrière la souche, le blaster pointé devant elle puis sur l'homme assis au sol, la main plaquée sur la blessure calcinée de son bras. Triss l'observa, envisageant très sérieusement de tirer pour l'achever, ou pire, le blesser de nouveau et laisser le rancor décider de son sort… Cette dernière option lui semblait bien tentante, mais elle se rappela la présence du résistant. Peut-être était-il excessif de tuer un type même braconnier et méprisable. Alors, elle se contenta de le tenir en joue en lançant une œillade vers Tuiren, espérant qu'il aurait une suggestion "modérée" à faire.

Elle se doutait que Tuiren ferait preuve de pondération. Elle, seule, n'aurait laissé aucune chance à ce "pauvre type" et ce pour une seule raison : il avait levé son arme vers elle. Elle n'aurait laissé aucun témoin, tout simplement, ne pas laisser de traces, simple, efficace et sans faille. Mais elle n'était pas seule et celui qui faisait équipe avec elle n'était pas le même sens de l'efficacité. S'il ne l'avait pas tuée ou laissée mourir, elle, une ennemie qui avait tenté d'abattre son chasseur et qui l'aurait froidement tué s'il n'y avait pas eu l'explosion de son vaisseau, il était clair qu'il ne voudrait pas tuer un simple et pitoyable braconnier.

Aussi se laissa-t-elle entrainée quelques pas plus loin par le résistant qui entreprit de la convaincre de ce qu'elle acceptait déjà. Sa proposition était sage, sans ses armes ni équipement, il ne pourrait pas nuire, plus aujourd'hui. Ch'acevi aurait amplement le temps de retourner à la vie sauvage d'ici là. Elle acquiesça lentement pour ponctuer ses dires.

- Ça me semble suffisant pour l'exemple, oui.

Elle n'ajouta pas que son exemple à elle aurait impliqué quelques coups de blaster à faible puissance pour lui apprendre la vie. Inutile de tout gâcher alors qu'elle faisait des efforts pour ne pas faire plus de zèle que nécessaire. Puis ils étaient tombés d'accord si facilement, elle n'insista pas et tous deux retournèrent de concert vers le captif blessé qui, sans doute un peu stupide, voulu pourtant encore faire de l'esprit. L'idée d'un petit tir de blaster non létal effleura de nouveau l'esprit de l'impériale, juste histoire de lui faire un peu peur… Juste un tout petit peu. Elle se ravisa au dernier moment alors que Tuiren ouvrait le feu sur le véhicule, Triss se joignit à lui ; le speeder explosa dans une gerbe de feu et une odeur de métal brulant mêlé au carburant vaporisé. Le glapissement outragé de l'homme se noya dans le fracas de l'explosion. N'avait-il donc pas conscience qu'ils faisaient preuve à son égard d'une extrême mansuétude ? Elle eut un sourire sarcastique en écoutant Tuiren exposer la suite du plan, ponctué par un rugissement de Ch'acevi qui ressemblait presque à une approbation, avec un peu d'imagination.

- Et puis je crois qu'il a faim, c'est son heure de chasse non ? Dit-elle en consultant Tuiren du regard.

Elle n'en avait strictement aucune idée, d'ailleurs elle n'était même pas bien sûre de l'heure qu'il pouvait être, le but était uniquement scénaristique. Leurs allusions eurent l'effet escompté : l'homme se releva et prit la fuite sans demander son reste, non sans leur lâcher une ultime menace, une fois à distance plus prudente.

- J'vous retrouverais tous les deux, vous verrez ! Vous regretterez d'vous être foutu en travers de mon chemin !

- C'est ça, à la prochaine. Rétorqua Triss quand il fut de nouveau en fuite, sans doute parce que Ch'acevi grattait le sol de sa patte avant. Celui-là, je ne suis pas certaine d'avoir envie de l'inviter à prendre le thé. Elle se tourna vers le rancor et s'approcha doucement de lui. Sa rage semblait s'être apaisée, la blessure de sa patte semblait au final plutôt superficielle. Il avait eu de la chance. Sa peau a bien limité le choc, il devrait même pouvoir marcher sans problèmes. Bien, mon vieux, je crois qu'on est quitte maintenant. Sois prudent gros tas.

Ils revinrent au X-Wing après avoir fait de nouveau leurs adieux au rancor. Triss reprit place dans le cockpit, profitant de ses quelques secondes d'avance pour observer les commandes avec une discrète exaltation, la même qu'elle avait eu la première fois qu'elle avait pu monter à bord d'une Griffe Chiss. Puis, l'air de rien, elle refit un peu de place à Tuiren quand il s'installa à son tour.

- Il refonctionne, le moteur ? S'enquit-elle. J'ai regardé un peu le radar, la ville est encore loin… La nuit tombera sans doute bien avant qu'on y soit, surtout si on subit d'autres avaries. Et je ne compte pas la fatigue. Elle tourna un regard concerné vers Tuiren, ce n'était pas par excès de sollicitude, il était adulte et devait connaitre ses limites… mais c'était aussi son pilote et elle n'avait pas spécialement envie de le voir s'endormir aux commandes. Et Triss estimait qu'ils avaient eu leur dose de crash pour quelques temps.

Ce fut en effet la fatigue qui la rattrapa, les forçant à se poser de nouveau alors que l'un contre l'autre sombraient dangereusement dans le sommeil. Le X-Wing avait perdu de l'altitude et, dans le cockpit, Triss avait inconsciemment appuyé sa tête contre Tuiren, les yeux encore ouvert mais le regard si lointain qu'elle ne réalisa leur proximité qu'au moment de l'atterrissage, non sans un sursaut quelque peu gêné. Ce fut à une distance un peu plus convenable qu'elle s'installa pour enfin sombrer dans leur première vraie nuit de sommeil sur Dathomir, leur sécurité assurée par la vigilance du petit astro-droïde.

La nuit fut calme et aussi reposante que pouvait l'être une nuit en plein air sur une planète hostile avec le minimum en matière de matériel de survie. Triss s'éveilla aux premières lueurs du jour dans cet état particulier où elle était incapable de déterminer si oui ou non, elle se sentait reposée. Tuiren ne tarda pas à s'éveiller lui aussi et ils ne s'attardèrent pas, reprenant le vol dès qu'ils eurent fini de vérifier l'état du chasseur. Le trajet fut encore long et nécessita encore quelques courtes pauses pour ne pas griller les systèmes endommagé de leur unique moyen de transport. Enfin, Triss annonça d'un ton ravi que la ville était en vue… avant de réaliser qu'elle n'était pas au poste radar d'un destroyer mais dans l'habitacle d'un appareil monoplace et qu'il était par conséquent probable que Tuiren l'avait également vu.

- Et il y a un spatioport. Constata-t-elle, soulagée. Ce n'était pas une certitude quand ils s'étaient engagés dans cette direction et pourtant primordial. Aussi improbable que ce pouvait être… on s'en est tirés.

Ce n'était pas Coruscant, c'était à peine de l'importance d'une ville portuaire de Tatooine, mais la vision de l'agglomération, d'un peu de technologies et d'antennes laissant espérer des moyens de communications lui permettant de passer un appel de détresse était amplement suffisant pour convaincre Triss qu'ils arrivaient au bout des ennuis. Bientôt, elle serait de retour à bord d'un vaisseau impérial, elle retrouverait une douche et une vraie couchette. Bientôt elle retrouverait l'équipage du Vigilant et, une fois de plus, elle se demandait s'ils la pensaient morte dans le crash. Ils allaient avoir une surprise. Le X-Wing se posa et Triss s'extirpa de l'habitacle, un homme, sans doute responsable du spatioport, vint à leur rencontre. Naturellement, ils se montra curieux de voir un X-Wing déglingué se poser chez lui. Le peu de réponses que les deux passagers semblaient disposés à donner ne semblaient pas satisfaire cet homme qui eut un froncement de sourcils.

- On ne doit pas forcément faire réparer cet appareil ici. Tempera-t-elle, s'attirant un regard dont la méfiance grandissait au fil des secondes. Est-ce que nous pouvons juste laisser le vaisseau ici le temps de contacter de l'aide ?... Elle se tu un instant, comme hésitante. Tout ce qu'on veut c'est laisser cette histoire derrière nous et… rentrer chez nous. A ces mots, elle se composa un ait las, fragile et vulnérable terriblement convainquant pour une personne ne connaissait ni elle, ni le stoïcisme commun à son espèce. Elle ouvrit la bouche comme si elle voulait encore se justifier, renonça, se détourna pudiquement en jouant nerveusement avec ses doigts tremblants. Excusez-moi… Souffla-t-elle avant de s'éloigner, réprimant un sourire quand elle entendit l'homme désormais seul face à Tuiren changer d'attitude et lui dire Euh, oui, bien sûr. Il y a un poste de communication à une rue d'ici, vous pouvez laisser votre appareil là. d'un ton gêné.

Triss s'était arrêté un peu plus loin, derrière les réacteurs arrière du X-Wing, et attendit que le résistant la rejoigne. S'étant assurée que l'homme du spatioport était repartit, elle abandonné son rôle de victime d'embuscade pour retrouver son naturel calme. Rick roula entre eux en leurs sifflotant qu'il avait pu établir un semblant de communications, assez, en tout cas, pour lancer un appel aux collègues de Tuiren.

- Parfait, avec un peu de chance dans quelques heures vous êtes rentrés. Je te demanderais bien si tu peux envoyer un message vers un relais impérial mais ça ne serait pas très malin.

Pas malin pour elle d'envoyer un message vers l'Empire depuis un appareil de la résistance et encore moins de donner des coordonnées d'appel impérial devant un résistant. Même si elle lui accordait une sorte de confiance, rapport au l'entente établie, elle était à ce niveau de confiance où elle pouvait lui confier sa sécurité personnelle, mais pas celle de l'Empire. De toute façon, comme convenu, ils trouvèrent un centre d'appel publique sans aucun problème et, en officier efficace qu'elle était, Triss n'eut aucun mal à lancer un court message au cryptage succinct mais suffisant pour ne pas passer outre les protocoles de sécurité impériaux. Cela fait, elle revint vers Tuiren.

- Bien… je t'aurais bien proposé de t'offrir un verre en attendant les secours mais j'ai pas un crédit sur moi. S'excusa-t-elle en marchant lentement dans les rues sans destination définie. Il semblerait que les vacances touchent à leur fin. Il faudrait que je récupère ce qui reste de mes affaires, à moins que tu n'aies envie de justifier que tu transportes un équipement impérial dans ta soute… et moi que je porte des fringues de résistants. Fit-elle avec un petit sourire, cachant néanmoins une question plus sérieuse. Je dois dire que je ne sais pas trop comment je vais tourner cette histoire dans sa version officielle. Même si la situation ne nous laissait pas le choix, je ne suis pas sure qu'il sera bien vue que l'on ai… coopérer comme on l'a fait.